1. En principe, et conformément à l'article 10.1 de la convention fiscale franco-belge, un résident belge qui est employé dans la fonction publique française n'est redevable de l'impôt sur le revenu qu'en France.
À l'issue d'une procédure de concertation, menée à bien sur le fondement de l'article 24 de la convention, les autorités franco-belges ont accordé aux contribuables dotés de la double nationale la possibilité de se prévaloir de ces dispositions (Accord du 9 novembre 2009 non ratifié, mais repris par l'administration fiscale française au BOI-INT-CVB-BEL-10-30 §1), par dérogation à l'article 10.3 de la même convention.
Ainsi, jusqu'à ce jour, les binationaux franco-belges n'étaient imposables qu'en France au titre de leur activité au sein de la fonction publique française.
2. Toutefois, par un arrêt du 17 septembre 2020, la Cour de cassation belge a jugé que l'accord du 9 novembre 2009 était dépourvu de force obligatoire.
Et, même si la question reste inédite, il ne fait pas de doute que cette solution s'impose également en France, compte tenu de l'absence de portée obligatoire des instructions publiées par l'administration fiscale française au BOFiP (V. not. CE (avis), 8 mars 2013, n°353782, Monzani).
Il en résulte que, faute de pouvoir se prévaloir de l'article 10.1 de la convention, les fonctionnaires dotés de la double nationalité qui résident en Belgique peuvent régulièrement, sous réserve des dispositions nationales, être imposés à l'impôt sur le revenu dans leur état de résidence, conformément à l'article 18 de la convention.
3. L'administration belge ne s'y est pas trompée, puisqu'elle a récemment lancé une vague de redressements à l'encontre des fonctionnaires binationaux résidant en Belgique, qui se trouvent de ce fait dans une situation de double imposition.
4. Comment sortir de cette impasse ?
Si l'on s'en tient aux textes, les contribuables concernés sont en droit de demander une conciliation entre les deux États.
Toutefois, on sait que de les procédures d'arbitrage menées sur le fondement de l'article 24 de la convention ont des chances de succès pour le moins aléatoires, et en tout état de cause les fonctionnaires qui voudraient suivre cette voie devront s'armer de patience, car aucun délai n'est prévu pour l'engagement ou la conclusion d'un accord entre les États.
Sur le terrain du droit interne, il est assez peu probable que l'engagement d'une procédure de réclamation auprès des services belges puisse aboutir, car non seulement la vague de redressements qui vient d'être lancée à l'encontre des contribuables dotés de la double nationalité a été initiée en toute connaissance de cause, mais en outre l'administration belge n'ignore pas que, compte tenu de la position de la Cour de cassation, les juridictions belges ne devraient pas donner raison aux contribuables qui viendraient à les saisir.
Côté français, on peut également douter que l'administration fiscale française consente à abandonner l'accord du 9 novembre 2009, qui lui est nettement favorable.
5. En réalité, et si l'on excepte les actions qui ont d'ores et déjà été initiées sur le terrain politique (V. par ex. la question au gouvernement belge de Mme Cécilia Gondard), une seule voie paraît de nature à venir à bout de la double imposition infligée aux agents publics binationaux : un recours devant le Conseil d'État français, tendant à ce que la position de la France soit alignée sur celle de la Belgique.
Certes, en cas de succès, l'ensemble des contribuables qui se trouvent en situation de double imposition du fait de l'arrêt du 17 septembre 2020 seraient en droit de demander la décharge de l'impôt français acquitté au titre des trois dernières années, mais se retrouveraient corrélativement imposés en Belgique, où la pression fiscale sur ce genre de revenus est plus forte.
Cependant, outre le fait que cette solution est préférable à la double imposition qui se profile, les fonctionnaires concernés pourront opter pour l'abandon de leur nationalité pour éviter, à l'avenir, de subir cette situation, laquelle ne devrait plus pouvoir perdurer à l'aune de la nouvelle convention conclue entre la France et la Belgique, dont la date d'entrée en vigueur n'est pas connue à ce jour. En outre, on peut penser que le gouvernement français, mis au pied du mur par les juridictions nationales, pourrait se montrer plus enclin qu'il ne l'est aujourd'hui à demander des comptes aux autorités belges, pour s’être délibérément écartées de l'accord du 9 novembre 2009.
Comments